Saturday, June 24, 2006

LETTRE PASTORALE ET CENSURE DE MONSEIGNEUR L’EVESQUE D’AGDE ;

Louis par la grace de Dieu Evefque de l’Eglise d’Agde, A noftre Clergé Ecclefiafitiques, & Regulier, & à tous les fidelles que le Saint Efprit a commis à nôtre foin Salut & Benediction. Nous avons Fouvent ofé louer la grace que notre Seigneur Jesus-Christ auteur de tout bien à rpendue en nos jours dans fon Eglise contre les erreus, & la corruption des Cafuiftes. Vous n’ignorez pas, Mes tres-chers-freres, que ces nouveaux venus, & tout à fait étrangers dans le regime Ecclesiastique, qui ne leur à pas efté confié, é queul la profeffion méme de la plus-part eft regulierement oppofée, n’ayent eu la temerité de substituer à la places inviolables règles de la Morale & de la Discipline des Chrétiens leurs imaginations profanes, sensuelles, intéressées, extravagantes, & que les honnêtes sectes païennes auraient même rejetées avec horreur comme si les passions de ces visionnaires devaient prendre la place des sacrés Canons de l’Eglise.
La douleur & la honte que vous en avez eue ont bientôt cessé par le zèle qu vous avez vu avec oie dans ceux qui président à l’Eglise Gallicane, pour étouffer ces monstres en leur naissance ; & nous avions sujet de croire qu’après tant de foudres Ecclésiastiques le Serpent ne lèverait plus la tête, du moins si tôt sous cette forme inconnue à nos Pères dont la vénération pour l’ancienne Morale, & pour la Discipline primitive les aurez bien préservés.
En effet de deux Principes essentiels de ces Casuistes corrupteurs, & corrompus, qui se répandent dans toute leur Doctrine nouvelle, qui sont l’art de se satisfaire sans scrupule presqu’en tout, & celui de travailler à s’enrichir par toutes voies : l’on voit leur premier Principe ou captif, ou détruit : on ne débite plus insolemment en chaire ces exhortations scandaleuses au relâchement de sainte rigueur des Préceptes éternels de l’Evangile, on n’encourage plus impunément le Pénitent contre leur propre consciences à de fausses vraies semblances dans le Tribunal Redoutable du Dieu vivant, & jugeant sur terre par ses Prêtres : on n’imprime plus ces Cours de Théologie infernale plutôt que Morale qui semblaient n’avoir pour but que d’aguerrir le Monde au crime par une probabilité, que les plus Libertins ne trouvant pas dans le fond de leurs cœurs, ou quelque fois pourtant l’athéisme règne, s’étonnaient de Lire dans des Auteurs de Profession réglée, ce que la nature abandonnée à elle-même condamné par le consentement de plus de Nations, & de plus siècles, que les Casuistes n’en veulent pour justifier des excès abominables à qui un ou deux suffrages mendiés, & souvent achetés de gens inconnus suffisent.
Mais certes si la Doctrine de la sensualité est réprimée du moins publiquement, si l’homicide a repris, ou conservé son ancienne horreur, malgré les permissions des Casuistes, qui à peine laissent une vie en sûreté dans leurs étranges Principes.
Il n’en est pas de même de l’intérêt, qui est peut être la vraie source de leurs égarements, en vain auprès de ces Docteurs sans rang, & sans nom l’Eglise Romaine a condamné même en nos jours toute sorte d’intérêt de l’argent prêté, gardant le dépôt de la vérité, & sa propre tradition, témoin la belle Epître d’Innocent III. à Philippe Auguste, où ce Pape (très mal entendu sur les dotes des femmes par une nouveau Professeur d’Usure) dit qu’en France Usuraria Pestis plus solito increvit, que cette peste d’intérêts dévore le bien des Eglises, & des Gens de guerre, qu’elle est contraire aux secours de la Terre sainte, que son Légat ans le Royaume à tenu divers Conciles pour y remédier, qu’il lui a commandé de continuer cet exercice de la juridiction Ecclésiastique, nonobstant toutes les puissances résitances ; & que quant aux coutumes honnètes, & aux usages raisonnables son Légat le Cardinal du titre de Saint Etienne en réservera le sévère examen au Concile général, Limam generali Concilio reservando.
Voilà, mes Frères, la Sagesse de ce généreux Pape quand il s’agit de la conscience des Peuples de Jésus-Christ, mais les Casuistes modernes, gens qui s’érigent en Docteurs universels de le Doctrine propre & en Patriarches sans ouailles, & pour ainsi dire de Théâtre, sont bien d’une autre humeur ; Car ce qu’un Légat ne traite qu’en plusieurs Conciles, ce qu’un Pape très habile réserve au Concile général à discuter exactement dans des coutumes même reconnues louables, un particulier obscur, & audacieux avec une distinction également ridicule, & frauduleuse entre argent prêté à intérêts, & argent loué à commun profit, ne doute point de prescrire un Loi de perdition à toute la Terre, sur sa seule garantie, au mépris de toute la Tradition Ecclésiastique comme si, qui mal assuré de sa propre conduite a eu besoin de se soumettre volontairement à plusieurs, outres ses Pasteurs ordinaires, avait droit de dispenser sans façon tout le Christianisme du précepte de Jésus-Christ, de l’Anathème du Saint-Siège de Rome, & des foudres des autres Evêques qui ont si canoniquement condamné l’Apologie détestable des Casuistes, que cette maxime renouvelle sur l’usure.
Nous ne vous donnerions pars connaissance, Mes très chers Frères, du pernicieux Libelle qui la contient, si on n’avait fait gloire après l’avoir fait paraître en Latin, de la promener en Français avec une fausse pompe sur cette distinction d’argent prêté, & d’argent loué ; & que qui aurait pu faire profiter son argent par un honnête travail en pu prendre du profit. Voilà tout ce rare Livre bâti sur deux pitoyables équivoques très mal raisonnées.
Or Nous sommes d’autant plus affligés de cet ouvrage, qu’il vient d’où il devait moins partir ; le Clergé doit ses paroles, & ses écrits contre l’Usure & les solitaires y doivent leur gémissement secrets & leur pénitence . Quel renversement des choses donc est-ce de voir ensemble le vœu solennel de pauvreté, & les Doctrine éclatante de l’Usure ? Le nom d’un Prêtre Réguler, & des nouvelles découvertes pour autoriser un vice si ancien ? si les prèts à intérêt sont si terriblement défendus sur tout aux Clercs, quel prodige est-ce, qu’au milieu d’une désapprobation consacrée, conseiller & canoniser publiquement les plus criminels intérêts d’autrui, veut que la corruption propre est bien moindre que le Dogme de la corruption ?
Nous ne vous citerons que quelques-uns de nos Conciles de France, qui peuvent être moins connus à quelques uns de vous formellement opposé à cette nouvelle erreur. Le Concile d’Arles sous Revennius où quarante et quatre Evêques des Gaules assistèrent dans le cinquième siècle, ordonne au quatorzième Canon, que si un Clerc donne de l’argent à intérêt, où s’il à voulu être fermier, & faire valoir le bien d’autrui, ou exercer quelque négoce pour un gain honteux, il soit déposé & excommunié, peines que l’on joignait rarement en ce temps pour un même crime. Et pour preuve qu’il ne s’agissait point d’une intérêt excessif, mais que tout intérêt était reconnu Usuraire, le Capitulaire de Gautier Evêque d’Orléans dans le cinquième Siècle contient la substance que même Canon, la Discipline étant demeurée en sa vigueur, & il l’explique. Voici ses propres paroles traduites : « Que les prêtres & les Diacres ne soient point cautions, ni fermiers, ni n’exercent l’Usure, ni ne la laissent exercer, car c’est Usure quand on demande plus que l’on n’a donné ». Par exemple si vous avez donné dis sols, & que vous demandiez davantage, ou si vous avez donné un muids de froment, & que vous exigiez quelque chose au dessus. Voilà la pureté de l’Evangile, & la simplicité de nos Pères vraiment Chrétiens, voilà une définition générale de l’Usure, & pour tous Clercs & Laïques elle est conforme aux préceptes de Jésus-Christ de ne rien retirer du prêt même, elle est selon l’unanime consentement des Pères, ce sont presque les termes de l’admirable saint Augustin dans troisième Sermon sur le psaume 36. Ce grand docteur condamne d’Usure la seule espérance de recevoir quelque chose par-dessus le prêt, saint Jérôme est du même avis, & Urbain Troisième a fait une décision expresse contre cette intention, Licet omni contentione cessante ; & les paroles de l’Evangile son fort claires contre espérance Usuraire nihil inde sperantes. Tout contact qui sort de ces termes ne diminue rien à l’Usure mais il ajoute à la fraude de quelque nom qu’on veuille déguiser, de quelque raisonnement que l’on l’orne ; car les constitutions de rente son une aliénation, & un transport, mais l’Eglise, & l’Etat, les Lois Canoniques, & les Lois civiles condamnent d’Usure tous les prêts à intérêt volontaire, & Dieu n’a point établi une troisième puissance dans ceux que l’on nomme Casuistes pour gouverner l’Eglise, & la Terre, & pour combattre les Ordonnances des Pontifes, & des Princes. Ces deux pouvoirs Sacrés viennent de Dieu celui, d’être Casuiste vient de soi seul, & c’est la marque de la réprobation d’un pouvoir faux & usurpé, car toute puissance légitime est reçue de Jésus-Christ chef de l’Eglise, & Maître des Nations, qui n’en a fait que deux parts, divisant leur fonctions, & unissant leur esprit.
Nous serions trop longs, Mes Frères, à vous citer toute la Tradition de nôtre Eglise Gallicane contre cette profane nouveauté des paroles Usuraires qui cachant mal la laideur de ce vice ; aussi nous ne vous allèguerons plus que deux exemples illustres qui vous feront voir le concert de l’Eglise Romaine avec celle de France, pour extirper ce péché comme Nous vous avons déjà montré, du temps d’Innocent III. & comme avez vu lors du Pontificat d’Alexandre VII. Dont le Décret du 18 mars de l’année 1666 subsistera malgré le mépris insolent que des Casuistes incorrigibles en font, préférant les désirs de leur cœur aux préceptes de Jésus-Christ, & à l’autorité du premier siège de l’Eglise Universelle.
L’an mil deux cent neuf Hugues Evêque de Reige, Thedifius Secrétaire du Pape, & ses Légats tinrent un Concile en Avignon avec plusieurs Evêques de France, & entre autres de quatre Métropoles, & il y est dit, que quoi que l’un & l’autre Testament conviennent à abolir l’Usure, & qu’il y ait eu encore plusieurs règlements Canoniques contre ce mal, parce que toutefois plusieurs ne s’occupant point à d’autres emplois exercent l’Usure comme licite (voilà le propre cas des contrats Usuraires du gain par autrui) Nous avons jugé à propose pour la détestation de ce vice d’ordonner que les jours des fêtes sur tout solennelles, & principalement quand on tient Synode tous les usuriers soient généralement excommuniés, soit qu’ils exercent ce crime en leur nom, ou en celui d’autrui, mais que s’ils sont publics ou convaincus de ce crime, & qu’ils ne veuillent pas satisfaire après trois monitions, ils soient nommément frappés de cette Censure, & des autres peines protées dans le Concile de Latran contre les Usuriers, à savoir que leurs offrandes ne soient pas reçues, ni qu’ils n’aient pas la sépulture Ecclésiastique s’ils meurent dans le péché.
Quelque temps ensuite un Evêque d’Avignon nommé Zoenus, aussi Légat du Siège Apostolique de Rome, tint une nombreux Concile à Albi, & y renouvela la même ordonnance de ce Concile d’Avignon qu’il cite, & il y ajouta encore.
Il faudrait un livre pour vous dire que ce que les Conciles plus communs, & que les Saint Pères ont dit contre toutes ces sortes de branches d’Usure, de quelques noms barbares , & nouveaux qu’on déguise les contrats, nous laissons ce soin à vos Pasteurs, que vous devez consulter dans les difficultés, comme les seuls que Dieu rend responsables de votre salut, & à qui partant il donne la force de ces grâces, & la droiture de ses conseils & la pureté de ses lumières pour vous conduire, les en ayant seuls chargés. Vos prédicateurs, & vos Confesseurs vous seront sans doute savoir plus exactement la Tradition Ecclésiastique contre de désordre que la nouvelle Morale veut justifier, Vous savez que nous n’avons omis ni soins, ni frais pour déraciner ce vice de notre Diocèse, & pour faire punir ceux qui en étaient coupable, nous verrions fort à regret que ce malheureux libelle nouveau renversa ce que Dieu à opéré pour réprimer ce péché, qui n’était pas assez connu, ou qui n’était pas assez fui en vos quartiers.
C’est pourquoi après avoir invoqué le Père des Lumières, sa vérité éternelle, & son Epsrit saint, & après en avoir conféré avec des pieux & savants Ecclésiastiques nous condamnons le Livre Intitulé De usu licito pecunia. Dissertatio Theologica avec sa Traduction, comme plein d’une Doctrine erronée, scandaleuse et usuraire, de Principes opposés à l’Ecriture sainte, & au consentement unanime des Saint Pères, selon lequel tout fidelle est tenu de l’entendre, contenant des propositions fausses, & captieuses, qui renversent les règles des Conciles, & de la Tradition contre l’Usure, & qui renouvelle le venin de l’Apologie des Casuistes justment condamnée par l’Eglise, & autres maximes censurées dans les Casuistes, que l’Eglise a frappés. Nous défendons à tous Ecclésiastiques et Réguliers d’enseigner, ou tenir, ou pratiquer cette pernicieuse Doctrine, & à tous les fidèles que Dieu à soumis à notre juridiction de la mettre en usage, & même de lire & retenir ce méchant livre, le tous sous peine d’Excommunication & autres de droit. Donné à Villefranche de Rouergue le quinzième de Mars mil six cent septante-quatre.
LOUIS Eve. D’Agde,
Par monseigneur,
Jean DardenePrêtre.