Saturday, June 24, 2006

CENSURE DE MONSEIGNEUR L’EVESQUE DE PAMIES

François par Mifericorde de Dieu Evêque de Pamies à tous les Recteurs, Vicaires, Prédicateurs & Confeffeurs tant du Clergé que Réguliers, & à tous les autres fiçles de nôtre Diocefe Salut & Benediction. Le foin que nous preons pour vous inftuire des veritez du Chrisftianifme, & particulièrement de celles qui regardent la pureté des mœurs feroit inutile, fi nous ne veillons exactement pour empefcher que l’ ennemy de nôtre salut ne jette fut cette femenece celfte l’ivroye de quelque mauvaife doctrine qui en répandant l’erreur dans vos efprits portât la dereglement dans vos cœurs & dans votre conduitte.
Le malin efprit a tâché en tout temps d’engager les hommes dans l’injufitce par des conctracts & des trafics Ufuraires. Mais fi l’Usure a parû avec fon vifage naturel, les perfonnes de piété, & même les plus honnftes gens entre les Payens ont eu horreur de fa déformité : & l’Eglife a employé fes foudres les plus terribles pour en détourner fes enfans. Ainfi cet ange de tenebres a efté contraint de prendre la figure du Serpent, & d’avoir recours à des détours ingenieux que la complaifance pour la convoifife infatiable des Avares, & le defir d’élargir la voye du Ciel ont fuggeré à quelques Docteurs. On a premierement propofé comme douteux des contracts dont l’injuftice étoit plus chachée ; On les a donnez enfuite pour tout à fait juftes. De ceux-là on eft paffé à d’autres qui paroiffaint moin equitables, difpofant aifi les efprits à voir l’Ufure fans fans crainte, & à l’embraffer fans fcrupule.
Enfin il a paru un Livre dont l’autheur femble avoir deffein d’étouffer dans Usuriers tous les remors de confcience qeu leur pourroint caufer la lumière de la raifon, l’authorité de l’Efcriture & de la tradition, & les deffenfes de l’Eglife, & de leur ofter la jufte crainte qu’ils devoient avoir pour les Ordonnances de nos Roys, qui ont toûjours condamné les Usures, non feulement comme defendues par la loy de Dieu & de l’Eglise mais encore comme contraires au bien de l’Etat.
Ce Livre est intitulé ; De usu licito pecunia Differtaftion Theologica, composé par le P. Emmanuel Maignan Religieux Minime, imprimé à Tolofe par Bernard Bofc l’an 1673. & reimprimé en François la méme année par le méme Imprimeur.
Tant que cet ouvrage n’a paru qu’en Latin, comme il avoit efté compofé ; Nous avons crû qu’il feroit peut être meiux de le diffimuler ; tant parce qu’il ne feroit gere lû en cette langue que par des perfonnes d’étude, qui auraint affez de lumiere pour en décourir le venin, que parce qu’iel étoit peu connu dans noftre Diocefe. Mais ayant fuet de craindre que la traduction qui en a été faite en nostre langue ne continue de s’y répandre, comme elle y a déjà trouvé entrée ; & que plufieurs n’en prennent occafion de juftifier par fes maximes les interefts Usuraires des fommes prétées, dont nous avons tâché de faire connoître l’injuftice & d’abolir la pratique. Nous avons crû que nous ne pouvions differer plus longtems de faire ce qui depend de nous, pour en prevenir les effets pernicieux, fans manquer à noftre miniftere, & nous rendre couble des maux qu’il cauferoit.
C’est pourquoy nous condamnons ce libelle avec la traduction qui en a efé faite comme contenant une Doctrine temeraire, fcandaleuse, & qui enfeigne à éluder les defenfes de la Sainte Ecriture, des Saints Canons, & des Constitutions des Souverains Pontifes touchant l’Usure, donnant à tout le monde un nouveau moyen de la pallier, avec plus de harieffe qeu noul autre n’avoit fait avant luy, & revouvelant des maximes déjà condamnées dans l’Apologie des Cafuiftes. NOUS deffendons à tous les Recteurs, Vicaires, Predicateurs, & Confesseurs, tant du Clergé que Reguliers d’enfeigner cette Doctrine & généralement à tous les fidèles de noftre Diocefe de la mettre en pratique, & méme de lire ou retenir ce Livre te tout fous peine d’Excommunication. Donné à Pamies ans noftre Palais Epifcopal le 22. Fevrier 1674.
Par Mondit Seigneur.LABORDE Secret.